L’association de DYS…
Le problème des cooccurrences des DYS…
Dr Alain POUHET – Médecine Physique et Réadaptation
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Texte de l’intervention lors de la journée d’automne de la Société Francophone d’Etudes et de Recherche sur les Handicaps de l’Enfance :
le 13 Novembre 2010 à La Maison de la Chimie à Paris : «Troubles du développement du geste et dyspraxies de l’enfant»
Rappelons que s’autoriser à parler de DYS (référant aux troubles spécifiques) suppose à la fois :
– de montrer un retard dans les tests étalonnés s’adressant aux apprentissages ou aux fonctions suspectes (de plus de 1,5 ds), ce qui correspond donc à une pathologie et place de fait l’enfant en situation d’inéquité -de handicap- par rapport aux pairs de même âge,
– de prouver que l’intelligence générale (conceptuelle, raisonnementale…) est préservée en utilisant des tests appropriés ne sollicitant pas les fonctions cognitives suspectes d’être déficitaires,
– d’écarter une autre cause avérée de difficulté scolaire. Si d’autres pathologies existent (pathologies sensorielles, neurologiques…) les difficultés observées doivent être sans commune mesure avec ce que l’on constate habituellement,
– de vérifier que le mode de vie et l’entourage de l’enfant ne sont pas délétères et auraient une responsabilité avérée dans les difficultés d’apprentissages,
– de distinguer les difficultés d’apprentissage (à l’école) et les causes cognitives (neurodéveloppementales) sous peine de confondre les causes des troubles d’apprentissages et les difficultés scolaires elles-mêmes !
Les difficultés scolaires, les troubles spécifiques des apprentissages (TSA) ne constituent en rien un diagnostic, ils ne sont que la constatation de difficultés hors normes dans l’apprentissage de la lecture (dyslexie), idem pour le calcul, l’écriture manuelle, l’orthographe… (l’enfant lit mal, écrit mal, calcule mal…). Ce ne sont que des SYMPTÔMES, qui requièrent une certaine intensité pour être qualifiés de pathologiques, d’où la nécessité de 2 années d’âge de décalage par rapport aux pairs du même âge.…
Il reste à déterminer le DIAGNOSTIC causal par l’examen neuropsychologique. Les troubles cognitifs spécifiques représentent la panne, plus ou moins intense, de modérée à massive, d’un ou plusieurs sous modules dans la boîte à outils intellectuelle des enfants à l’origine de leurs difficultés. Si des signes scolaires sont repérés et que l’on juge les performances de l’enfant suffisamment en décalage pour alerter, on doit vérifier l’intégrité (ou non) des différents outils cognitifs. On s’attache en premier lieu au facteur G, et on évalue les autres secteurs cognitifs : gnosies, praxies, mémoires, fonctions neurovisuelles et spatiales, fonction exécutives et attention, langage… Si une hétérogénéité est mise en évidence au sein des sous fonctions cognitives et si cette discordance est corrélée avec les difficultés repérées par l’enseignant, alors on peut parler de haute probabilité de DYS bien avant l’âge généralement admis pour un “diagnostic” de TSA.
Il existe différentes possibilités d’association de DYS
1. Il est courant d’observer plusieurs pathologies scolaires liées à un diagnostic causal.
– association de difficultés de langage oral (LO) et de difficultés de langage écrit (LE) en cas de dysphasie…
– association de dysgraphie et de difficulté en géométrie (plus manque de soins et de présentation en général) en cas de dyspraxie…
– association de dysgraphie, dyscalculie, éventuellement dyslexie en cas de dyspraxie visuospatiale…
– conséquences globales dans tous les apprentissages en cas de troubles de haut niveau (syndromes mnésiques, dysexécutifs) mais avec une tonalité particulière… une déficience cognitive entraîne un retentissement dans différents apprentissages, différentes matières… voire un échec global
L’association de DYS…
2. Il est possible d’observer l’association de deux pathologies cognitives, donc de deux (ou plus) diagnostics causaux.
Dans ce cas les symptômes scolaires s’ajoutent voire se renforcent.
– association dysphasie et dyspraxie : l’enfant est en difficultés avec le LO et ne peut produire une trace graphique rentable Difficultés accrues de diagnostic (en particulier pour montrer la normalité du facteurG) Difficultés importantes pour suivre une scolarité ordinaire…
– associations dyspraxie et troubles des fonctions exécutives (voir THADA) tant qu’il n’est pas suffisamment contrôlé ce dernier empêche la mise en oeuvre par l’enfant et son entourage des mesures habituellement efficaces en cas de dyspraxie… une hiérarchie doit être dégagée selon l’importance respective des conséquences liées à chacun des déficits cognitifs : il est indispensable d’établir des priorités dans le projet thérapeutique…
3. Il faut être vigilant à ne pas poser de diagnostic de comorbidité par excès ! Par exemple, en cas de dyspraxie, le fait d’être en double- tâche en graphisme finit, insidieusement, par placer un enfant, jusque là brillant, dans une situation délicate pour suivre le rythme (de prise de note, de célérité lors des contrôles). Incompris il finit par baisser les bras puis par entrer dans le cercle vicieux de la démotivation, de l’échec scolaire global avec un cortège de signes proches du THADA (impulsivité, défaut d’attention, agitation-hyperactivité).
Ces signes peuvent être retrouvés et ils seront mis en avant lorsque les enfants peinent ou décrochent dans un apprentissage, en raison d’une déficience intellectuelle, de troubles anxieux, de TOC ou bien encore et cela est fréquent, d’une autre DYS l’enfant dépassé ou en permanence en doubletâche décroche, est distrait, discute, s’agite, se lève, perturbe, provoque… Le diagnostic de trouble de l’attention ou des fonctions exécutives,
nécessite de prouver que les troubles existent de façon constante et permanente.
il est donc indispensable de rappeler la nécessité d’une expertise cognitive pour tous les enfants suspects de DYS.
Ces 3 situations différentes (symptômes liés à un diagnostic causal, symptômes qui se cumulent en raison d’une association vraie, symptômes qui s’ajoutent à une autre DYS en raison de la double tâche) rendent t-elles comptent de toutes les situations ? Bien évidement, non !
Mais cette façon d’envisager les cooccurrences permet de ne pas se perdre quand au fil du temps des DYS s’accumulent sur la tête d’un même enfant, rendant incrédules et perplexes les parents et enseignants qui aimeraient bien recevoir quelques éclaircissements et pistes d’aides cohérentes ! en cas d’association de troubles spécifiques des apprentissages, les parents, les enseignants doivent renvoyer aux équipes qui expertisent les enfants la question d’une origine explicative unique qui donne du sens à des symptômes scolaires épars…
en cas d’association de troubles cognitifs spécifiques, ces mêmes équipes, qui évaluent les enfants, doivent avoir l’exigence éthique de prévenir les parents, les enseignants et l’enfant, que la poursuite de la scolarité au même rythme et avec les mêmes acquisitions que les camarades risque de s’avérer difficile voir impossible.
D’autres situations :
– la présence d’une difficulté DYS dans un secteur des apprentissages mettant l’enfant en situation de double tâche, est en elle même pourvoyeuse de DYS… en cascade.
Ex : dans une tâche de production d’écrit, l’enfant dyslexique (dyslexie phonologique) peine à recoder le langage oral en écrit. Il s’ensuit une dysorthographie et une dysgraphie fréquentes, les erreurs de lecture source d’imprécision dans la compréhension des énoncés pouvant être à l’origine de mauvaise performance en arithmétique faisant parler alors de dyscalculie.
– en cas de déficience intellectuelle il peut exister une hétérogénéité parmi les différents secteurs de la cognition. On peut alors parler de DYS-relative. Il est utile pour l’enfant, ses enseignants, ses éducateurs (par exemple en IME) de tenir compte d’aptitudes inégales pour proposer des tâches adaptées aux potentialités, des voies d’entrées plus efficaces, des possibilités de réponses plus aisées, des conditions facilitatrices, des aides humaines plus efficientes grâce à la connaissance des points forts de l’enfant (à valoriser) et de ses points faibles (à éviter).
– si les difficultés psychologiques secondaires sont fréquentes en cas de DYS, il existe des associations reconnues entre troubles cognitifs et troubles de la lignée psychologique, en particulier avec certains syndromes génétiques. Par exemple, il est fréquent dans les syndromes d’Asperger de parler de “dyspraxie” et d’excellentes “capacités mnésiques”.
– l’atypie cognitive réalisée par la surdouance, rend compte de difficultés certaines, non systématiques mais tout de même fréquentes, comme par exemple une dysgraphie sévère, pouvant être source de difficultés et d’échec scolaires si le graphisme manuel est en soi un handicap scolaire non reconnu, non contourné.
– certaines fonctions complexes, sont des fonctions mosaïques, qui empruntent à d’autres fonctions, se construisent grâce à leur bonne mise en place de ces mêmes fonctions. Par exemple, la structuration temporelle qui emprunte au facteurG, au langage, à la mémoire, à la structuration spatiale… peut être mise à mal dans son propre développement en cas de déficit des fonctions dont elle se “nourrit”. nous retrouvons ces dernières associations dans la « constellation dys » de Michel Habib.
Pour se résumer :
En situation de DYS les associations de difficultés d’apprentissages peuvent :
– rendre compte d’une situation de double tâche,
– être reliées à un diagnostic de trouble cognitif spécifique, ou plusieurs,
– s’additionner lorsqu’elles référent à plusieurs troubles cognitifs spécifiques,
– enfin certains signes cliniques sont des pièges diagnostics à connaître, en particulier le trouble de l’attention, voire des signes évoquant le THADA… lorsque l’enfant est en double tâche… L’addition de 2 ou plusieurs troubles cognitifs, de difficultés dans plusieurs sous-secteurs de l’intelligence, constitue de fait une situation plus complexe et plus périlleuse en terme de réussite de la scolarité et devrait faire hiérarchiser une priorité thérapeutique. Enfin les troubles spécifiques, qu’ils soient troubles spécifiques des apprentissages ou troubles cognitifs spécifiques, restent prisonniers d’une définition trop stricte. En cas de troubles psychologiques, de lésions cérébrales, de troubles sensoriels,… il peut exister des dissociations nettes qui doivent être nommées en DYS (DYS-relative en cas de déficience intellectuelle) car cela s’avère souvent pertinent pour le projet thérapeutique de l’enfant. Ex. surdité et dysphasie, IMC et dyspraxie/THADA/dysphasie…
Cela permettrait de proposer à ces enfants des aides et des projets adaptés. Pour ces enfants là, par rapports à leurs pairs présentant des pathologies développementales “pures”, les progrès seront plus difficiles et plus lents, les capacités d’apprentissages plus limitées. Une analyse raisonnée et rigoureuse permet, la plupart du temps, de démêler l’écheveau des DYS-associées.